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Depuis le 12 juillet 2011, cette histoire a cessé d’être celle du Carlton. Pourtant, jusqu’au bout du procès qui va s’ouvrir le 2 février – et même au bout du suivant s’il y a un procès en appel – on l’appellera ainsi. Même si la majorité des personnes renvoyées devant le tribunal correctionnel n’ont jamais mis les pieds dans le palace lillois.


Jusqu’au 12 juillet, la justice suivait depuis six mois son petit bonhomme d’enquête en toute discrétion. Il y était question de prostitution hôtelière, au Carlton mais aussi dans un autre hôtel du Vieux-Lille appartenant au même groupe.


René Kojfer, pittoresque figure du Lille des tables bien fréquentées, mettrait en relation des jeunes femmes de sa connaissance avec des « hommes aux bonnes références », qui étaient surtout ses copains, afin que ceux-ci se fassent câliner pour quelques euros. En droit, c’est de la prostitution. Et ce que fait Kojfer, du proxénétisme, puisque c’est lui la cheville ouvrière de ces rencontres (il ne le nie pas), sur lesquelles les patrons des hôtels fermaient les yeux (ce qu’ils contestent).


Mais le 12 juillet, l’une de ces jeunes femmes, présentée à Kojfer quelques temps plus tôt par son ex-avocat Emmanuel Riglaire, en raconte de bien belles aux enquêteurs ébahis. Non seulement, elle prétend avoir câliné dans d’autres alcôves, mais elle balance les noms. Et au milieu de ceux-ci, se dresse l’homme à terre des dernières semaines, le politique le plus sulfureux du pays depuis qu’il a été arrêté pour viol à New York : Dominique Strauss-Kahn. C’est là que l’histoire du Carlton est devenue anecdotique. Quoiqu’ils en disent, les juges et les enquêteurs ont été les premiers à frémir. DSK dans leur dossier, quelle affaire !

Du Carlton à Strauss-Kahn,

deux affaires pour le prix d’une !

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Les voilà donc sur la trace d’un système d’arrangements de soirées libertines – et pas que – organisées par Fabrice Paszkowski et David Roquet, copains du Pas-de-Calais de l’ancien ministre, mais aussi avec l’assentiment intéressé du numéro trois de la police du Nord, Jean-Christophe Lagarde. Un casting de rêve.


De là, tout le travail des juges a été d’établir que Strauss-Kahn était au centre de tout – de la sollicitation à la connaissance parfaite de la participation de ces câlineuses rémunérées. Travail pas complètement convaincant, si on en juge par la conclusion qu’en tire le procureur : il avait demandé de non-lieu pour l’ex-directeur du FMI. A l’audience, il ne devrait d’ailleurs pas demander sa condamnation.

Pour les autres, c’est un peu différent. Au regard de la loi, le simple fait d’aider, d’assister ou de protéger la prostitution définit le proxénétisme – et le fait que ce soit ici entre plusieurs personnes l’aggrave. Le tribunal aura donc à estimer cette gravité, même si la présence fugace de l’ineffable « Dodo la saumure », soupçonné d’avoir « fourni » les jeunes femmes, promet d’être plus graveleuse que grave. Quel casting, décidément.

Le résumé de l'affaire en vidéo

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Le procès, qui débute le 2 février, aurait pu se dérouler à la cour d’assises du Nord. Mais les juges en ont décidé autrement. Au terme des trois semaines d’audience, la décision sera mise en délibéré, probablement avant l’été.

 

En quatre lignes, les juges ont ramené ce procès de Douai à Lille. S’ils avaient gardé la qualification sur laquelle avait été ouverte l’information judiciaire, ce dossier aurait été jugé par la cour d’assises du Nord, puisque cette qualification était criminelle : « proxénétisme en bande organisée, association de malfaiteurs et blanchiment en bande organisée ».

 

C’est la notion de « bande organisée » qui fait toute la différence. Elle suffit à transformer un délit en crime. En l’occurrence, le proxénétisme et le blanchiment – lequel a purement et simplement été écarté, en fin de procédure.

 

Les juges ont donc écarté la notion de bande organisée – les fameuses quatre lignes – pour la remplacer par « plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice, sans qu’elles constituent une bande organisée ». Et le tour est joué.

 

Nous voici donc devant le tribunal correctionnel qui aura à juger plusieurs délits.

 Proxénétisme, escroquerie,

abus de confiance… ce qu’ils risquent

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Ce délit vise la quasi-totalité des prévenus. Seul Jean-Luc Vergin, le supérieur hiérarchique de David Roquet chez Eiffage, n’est pas concerné.


Ce que dit la loi


L’article 225-5 définit le proxénétisme de cette manière :


« 1º Aider, d’assister ou de protéger la prostitution d’autrui ;


2º Tirer profit de la prostitution d’autrui, d’en partager les produits ou de recevoir des subsides d’une personne se livrant habituellement à la prostitution ;


3º Embaucher, d’entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d’exercer sur elle une pression pour qu’elle se prostitue ou continue à le faire. »


Les alinéas suivants aggravent le proxénétisme s’il est commis à l’égard de plusieurs personnes, par exemple, ou par une personne chargée par ses fonctions de lutter contre la prostitution – ce qui vise surtout le commissaire Lagarde, ici.

Le proxénétisme est puni de 7 ans de prison et 150 000 euros d’amende. La peine peut passer à 10 ans et 1,5 M€ d’amende s’il est aggravé, ce qui est le cas ici.


Des peines de privation de droits civiques ou civils peuvent être prononcées.

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David Roquet et Jean-Luc Vergin sont visés pour abus de confiance. Il s’agit ici d’une utilisation un peu trop généreuse des notes de frais. 


Ce que dit la loi


L’article 314-1 du code pénal le définit ainsi :


« Le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé. »


L’abus de confiance est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

Fabrice Paszkowski, David Roquet, Virgnie Cymbalist

et Jean-Luc Vergin sont renvoyés pour escroquerie. 


Ce que dit la loi


L’article 313-1 du code pénal définit ce délit

de cette manière :


« Le fait (…) de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi (…) à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. »


Les victimes sont ici les sociétés de David Roquet et Fabrice Paszkowski.


L’escroquerie est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende, peine portée à 10 ans si elle est commise en bande organisée.

Des peines de privation de droits civiques ou civils peuvent être prononcées.

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